École du Fret / Saint-Fiacre | Commune de Crozon |
Le plus grand obstacle à ce que l’éducation primaire s’étende dans les campagnes principalement, est la dispersion des habitations. Peu de communes, même les plus populeuses, offrent une portion considérable de population agglomérée. Les hameaux (appelés villages) sont très multipliés et écartés du chef-lieu ou clocher (appelé bourg), qui lui-même ne se compose que d’un petit nombre de maisons voisines de l’église. D’ailleurs les communications sont très difficiles, les chemins vicinaux étant boueux, pendant la plus grande partie de l’année,… » [1].
Cette situation décrite le 31 mai 1817 par le préfet d’Ille-et-Vilaine d’Allonville dans un rapport qu’il adresse au ministre de l’Intérieur est tout à fait celle constatée dans le Finistère par les dénombrements de population de 1881 [2] : ceux-ci montrent en effet que seulement 15 à 20 % de la population des communes rurales habitent dans un bourg !
En 1876, une circulaire [3] du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts avise les préfets de dispositions du gouvernement tendant à mailler le territoire d’écoles primaires de façon à ce qu’elles soient « à portée des familles, et que, dans aucun cas, l’enfant de six à treize ans n’ait à parcourir une distance tellement grande que son assiduité ne puisse être raisonnablement exigée ».
La Presqu’île de Crozon comporte aujourd’hui sept communes :
Argol, Camaret-sur-Mer, Crozon, Landévennec, Lanvéoc, Roscanvel et Telgruc-sur-Mer.
C’est en 1872 que Lanvéoc est devenue commune [4] : jusqu’en 1871 elle constitue un hameau de la commune de Crozon, dans lequel on trouve déjà une maison d’école !
Quant à Camaret-sur-Mer, sa superficie a doublé en 1908 lorsque par référendum la trève de Saint-Julien dont relève le hameau de Kerloc’h lui a été adjoint, la détachant ainsi de la commune de Crozon [5].
La présentation qui suit des écoles de hameaux de la commune de Crozon est basée sur la situation administrative en 1871.
À cette date Crozon comporte donc six hameaux principaux : Lanvéoc, Le Fret / Saint-Fiacre, Morgat, Tal-Ar-Groas, Saint-Hernot et Saint-Julien (Kerloc’h).
L’ensemble de la commune couvre ainsi plus de 100 km² pour 8 929 habitants. Rappelons qu’une commune finistérienne moyenne à cette époque était d’environ 24 km2 et de 2 300 habitants.
En 2019, Crozon c’est 80,37 km² pour 7 386 habitants (données INSEE).
Ces données expliquent aisément pourquoi il a fallu construire six écoles de hameaux, les enfants étant éloignés de plus de trois kilomètres de l’école communale située dans le bourg de Crozon :
– deux au nord : Lanvéoc et Le Fret / Saint-Fiacre
– deux au sud : Morgat et Saint-Hernot
– une à l’ouest : Kerloc’h
– une à l’est : Tal-Ar-Groas / Saint-Laurent
Si les écoles de Saint-Fiacre et Saint-Laurent ont bénéficié du plan de construction Grévy de 1882, il n’en est pas de même pour les quatre autres.
Une école existe déjà au Fret depuis quelques années. En juin 1884, le ministère de l’Instruction publique diligente auprès des instituteurs une enquête [6] sur la situation matérielle des écoles primaires. On y trouve de nombreux renseignements tels que le nombre d’instituteurs et d’élèves, le système de chauffage, les lieux d’aisances, les cours et préaux...
De plus, l’instituteur est prié de fournir un plan des locaux.
Au rez-de-chaussée du bâtiment se trouve la classe des garçons. Celle-ci permet d’accueillir 114 élèves. Ils sont 91 inscrits (1 entre 5 et 6 ans, 77 entre 6 et 13 ans, 13 de plus de 13 ans). La classe des filles, prévue pour accueillir 36 élèves, est à l’étage. 81 filles sont inscrites (5 entre 4 et 5 ans, 11 entre 5 et 6 ans, 63 entre 6 et 13 ans, 2 de plus de 13 ans).
Les garçons ont une cour et des toilettes mais pas les filles. Mais elles ont une cheminée. L’école n’a aucun point d’eau.
Voici le commentaire de l’institutrice, Aline Le Jeune née Derrien :
Les filles n’ont pas de cour, celle qui existe n’est qu’un passage pour les garçons.
Des cours pour adultes sont dispensés. On dénombre quatorze participants dans la classe des garçons et dix-huit dans celle des filles en janvier 1884.
Le Relevé Général des Constructions Scolaires, établi pour la période de 1878 à 1885, indique le coût de l’école et les subventions accordées.
Décision du | 11/01/1883 |
Montant du projet | 43 250,00 F |
Financement | |
par la commune (Caisse des écoles) | 0,00 F |
par la commune (autres ressources) | 421,30 F |
par le département | 250,00 F |
subventions de l’État | 43 000,00 F |
Coût réel | 43 671,30 F |
Les montants sont à répartir entre les 2 écoles de hameaux (Le Fret Saint-Fiacre et Saint-Laurent). |
en 1884 | en 1886 | en mai 1888 | |
Nombre de classes | 2 | 2 | 2 |
Nombre de places | 114 | 114 | 114 |
Nombre d’élèves | 91 | ? | ? |
Un enseignement existe au Fret/Saint-Fiacre depuis 1876 selon un document de la série 1 T 44 des Archives départementales du Finistère. Nous avons pu reconstituer la présence des instituteurs, d’une part par les dénombrements de population de 1876 et 1881, d’autre part par les avis de nomination. Cependant n’ayant relevé ces avis qu’à partir de 1883, c’est par déduction que nous indiquons des prises de fonction en 1882.
Voici les instituteurs relevés :
– Yves Tanguy, né à Cléder le 23 janvier 1836, est présent en 1876, mais plus en 1881.
– Maurice Huet, né à Scrignac le 21 avril 1852, le remplace sans doute. Il apparaît dans les recensements de 1881.
– Guillaume Marie Corre, né le 14 mai 1859 à Lampaul-Guimiliau, est probablement nommé en remplacement de M. Huet en 1882. Les avis de nomination de 1883 indiquent que le 20 avril 1883 M. Corre est nommé à Plounéventer. Il est remplacé par François Prémel.
– François Prémel, né le 17 octobre 1850 à Plounéour-Trez, précédemment instituteur à l’école de hameau de Saint-Laurent à Crozon, est nommé au Fret le 23 avril 1883. Il y reste jusqu’au 25 août 1885, date à laquelle il est nommé à l’école de hameau de Sainte-Christine à Plougastel-Daoulas.
Peut-être est-ce également en 1882 qu’arrive une institutrice, Aline Le Jeune (voir ci-dessous).
La construction de la nouvelle école a été validée par le Ministère le 11 janvier 1883. Il est probable qu’elle a ouvert le 25 août 1885, comme beaucoup d’autres... Cette école comprend deux classes, assurées par François Le Pichon et Aline Le Jeune.
• François Louis Le Pichon, né le 8 avril 1863 à Gourin, est nommé au Fret le 25 août 1885, à l’âge de 22 ans. Il était précédemment à Pleyben.
• Aline Jeanne Désirée Derrien épouse Le Jeune est née le 27 octobre 1832 à Brest. Elle est nommée à l’école du Fret probablement en 1882, à 50 ans. Les avis de nomination de 1888 indiquent qu’elle est mutée fin août à l’école de hameau de Kerdilès à Landévennec.
L’école actuelle se trouve dans les bâtiments de 1885, agrandis et rénovés. À la rentrée 2018/2019, elle accueille 61 élèves [7].
Marine Pommereau, dans son blog de généalogie, a ’enquêté’ sur François Prémel, et nous a autorisé à publier sa fiche d’affectation.
[1] CHALOPIN (Michel), L’enseignement mutuel en Bretagne de 1815 à 1850, Éducation. Université Rennes 2, 2008, p. 15-16.
[2] Estimation de population effectuée d’après les dénombrements de population des communes rurales. Archives départementales du Finistère, série 6 M.
[5] Gallica.bnf.fr / BnF, Journal Officiel du 17 juin 1908.
[6] Archives nationales, F/17/*/2847. Ministère de l’Instruction publique. Enquête sur la situation des écoles primaires en 1884 : statistiques fournies par les instituteurs et institutrices.