De Taupont à Hanvec, de Californie à Menez Meur. La vie de Julien Prioux

Julien Prioux et la ruée vers l’or

Julien Prioux travaille dans les mines de la Yuba près de Downieville (Haute-Californie).
 
Le 24 janvier 1848, James Marshall découvre quelques pépites d’or dans les environs de Coloma (Haute-Californie). C’est le début du "California Gold Rush" qui va durer environ huit ans.
Dès 1849, la presse française relate largement cet événement et Julien Prioux en a sûrement connaissance. Il est très probable que ses mésaventures judiciaires l’incitent à changer de vie.
 
• Quand a-t-il embarqué pour la Californie ?
Un document successoral nous renseigne sur la date approximative de son départ au printemps 1850.
 
• De quel port est-il parti ?
Le port du Havre est un des plus importants points de départ mais peut-être est-il parti de Lorient, le plus proche de Taupont, ou d’un autre port breton.

• Quelle route a-t-il empruntée ?

Trois possibilités s’offrent aux migrants français :
– en bateau via le cap Horn : un long et ennuyeux voyage de 4 à 8 mois mais moins coûteux que les autres solutions ;
– en bateau jusqu’à la côte est américaine suivi d’une traversée de l’Amérique en chariot : aussi long que par le cap Horn mais peut-être moins ennuyeux ;
– en bateau jusqu’à l’isthme de Panama puis franchissement de celui-ci à l’aide de mules et de canoës jusqu’à la côte pacifique et de nouveau en bateau jusqu’à San Francisco : le plus rapide mais le plus cher.

Les différents itinéraires de la ruée vers l’or.
Plan établi à partir d’un planisphère disponible chez d-maps

• Et combien de migrants bretons ?
Olivier Le Dour* estime à 13 500 le nombre d’émigrants Français en Californie dont 1 300 Bretons sur la période 1849-1855.

* Olivier LE DOUR et Grégoire LE CLECH, Les Bretons dans la ruée vers l’or de Californie, Éditions Les Portes du Large, Rennes, 2006.

• 1850

Un document successoral établi après le décès de Magdeleine Gicquel et daté du 9 mars 1853 nous informe que Julien Prioux est en Californie depuis environ trois ans.

À Monsieur le Président du tribunal civil de l’arrondissement de Ploërmel,
Rosalie Prioux, ménagère, demeurant et domiciliée au village de Créménan, Jean Pierre Carel, cultivateur et maire, demeurant et domicilié au village de Quelneuc, commune de Taupont, agissant comme tuteur datif de Marie Louise et Marie Anne Prioux, mineures et Me Edmond Julien Rialan, notaire à Ploërmel, nommé par jugement du tribunal de cet arrondissement, en date du 6 janvier dernier, enregistré, pour représenter Julien Prioux, résidant en Californie depuis environ trois ans, dans les comptes, partage et liquidation des successions de leur père et mère, lesdits Julien, [Marie Joseph], Rosalie, Marie Louise et Marie Anne Prioux, frère et sœurs germains [...]

Archives départementales du Morbihan, 6 E 9876, 9 mars 1853.

Un autre document, établi auprès du Consulat de France à San Francisco et transmis à Me Yves Marie Bourven, notaire à Pleyber-Christ, nous apprend aussi que Julien Prioux demeure en Californie.

Il travaille dans les mines de la Yuba près de Downieville, ville nouvelle tout juste créée en 1849.

Wikimedia Commons, Domaine public,
Yuba river watershed. US Geological Survey.
Wikimedia Commons, Domaine public,
Downieville By William Downie, Hunting for Gold, Ca 1850.

• 13/12/1852

Julien Prioux a trouvé de l’or !
Les documents enregistrés en avril 1854 chez Me Bourven, notaire de son oncle Jean Marie Gicquel, indiquent que Julien Prioux a envoyé 11 500 F le 13 décembre 1852 à sa mère Magdeleine Gicquel.

La somme de 11 500 F versée par le constituant le 13 décembre 1852 à MM. Davidson et May banquiers à San Francisco, contre une traite de pareille somme sur MM. de Rothschild banquiers à Paris.
La première et troisième de ladite traite, envoyée par le constituant à la dame sa mère, lorsqu’il ignorait encore son décès.

Archives départementales du Finistère, 4 E 254/107, 14 avril 1854.

• 15/12/1853

Fin 1853, Julien Prioux apprend que sa mère est décédée le le 9 décembre 1852.
Il se déplace au Consulat de France à San Fransisco afin d’établir une procuration au nom de son oncle maternel Jean Marie Gicquel pour « gérer tous ses biens et affaires quelconques, présents et à venir ».
La procuration est établie par Louis Napoléon Bataillard, chancelier intérimaire, en présence de deux témoins (Henri Pierret et Prosper Mené).
Elle est contresignée par Patrice Dillon, consul de France à San Francisco.

Archives départementales du Finistère, 4 E 254/107, 15 décembre 1853.

Consulat de France à San Fransisco

Procuration générale par le sieur Prioux
Par devant nous Louis Napoléon Bataillard, chancelier intérimaire du consulat de France à San Francisco, Haute-Californie.
En présence de MM. Henri Pierret et Prosper Mené, tous deux propriétaires demeurant à San Francisco, témoins requis.
A comparu le sieur Julien Vincent Prioux, travaillant aux mines de la Yuba près Downieville, et présent à San Francisco.
Lequel a par ces présentes, constitué pour son mandataire général et spécial M. Jean Marie Gicquel, débitant de tabac à Pleyber-Christ, à qui il donne pouvoir de, pour lui et en son nom, gérer et administrer, tant activement que passivement, tous ses biens et affaires quelconques, présents et à venir. [...]
Fait et passé en la chancellerie du consulat de France à San Francisco, le 15 décembre 1853.

• 14/04/1854

Me Bourven prend en compte cette procuration au profit de Jean Marie Gicquel.
Les fonds de Julien Prioux transitent par la banque Rotshchild.

Archives départementales du Finistère, 4 E 254/107, 14 avril 1854.

L’an 1854, le 14 avril
Devant Yves Marie Bourven à la résidence de Pleyber-Christ et son collègue, notaires du canton de Saint-Thégonnec, arrondissement de Morlaix, département du Finistère,
A comparu, M. Jean Marie Gicquel, débitant de tabac, demeurant au bourg de Pleyber-Christ.
Lequel a déposé pour minute à Me Bourven, l’un des notaires soussignés, un original d’une procuration passée devant Louis Napoléon Bataillard, chancelier intérimaire du Consulat de France à San Fransisco (Haute-Californie), en présence de témoins, le 15 décembre 1853, enregistrée et légalisée, donnée au comparant à l’effet de recevoir la somme de 11 500 F versée par le constituant le 13 décembre 1852 à MM. Davidson et May, banquiers à San Francisco, contre une traite de pareille somme sur MM. de Rothschild, banquiers à Paris.

Dès la découverte d’or en Californie en 1848, la banque Rothschild décide de créer une agence bancaire à San Fransisco.
Benjamin Davidson, parent des Rothschild, ouvre l’agence en 1849. Il est secondé, dès 1850, par John May.

1849, gold in California : establishment of a Rothschild agency in San Francisco
The discovery of gold in California in 1848 has awakened Rothschild interest and in 1849 N M Rothschild established an agency in San Francisco, in the persons of two Rothschild agents, Benjamin Davidson and John May. The connection persisted until the impact of the gold rush had diminished.

The Rothschild archive.

Fortune faite, Julien Prioux rentre en France. Nous le retrouvons à Pleyber-Christ en janvier 1857, témoin du mariage de sa sœur Marie Louise.
 

Quelques informations complémentaires

• Louis Napoléon BATAILLARD naît à Paris le 3 décembre 1801.
Il obtient son baccalauréat en 1820 et s’oriente vers une carrière de clerc de notaire. De 1829 à 1843, il exerce la profession de commissaire-priseur à Paris. Il est maire de Châlette-sur-Loing (Loiret) de 1843 à 1847. Le 3 mai 1849, la Légion d’honneur lui est attribuée.
Fin 1855, M. Bataillard quitte le consulat. Sa fiche matricule de la Légion d’honneur nous apprend qu’il décède le 3 novembre 1881.

Les Français en Californie, Daniel Lévy, San Francisco, 1885.
BnF - CCFr, Catalogue collectif de France.
INHA - AGORHA, Base de données de l’Institut national d’histoire de l’art.
Wikipédia, liste des maires de Châlette-sur-Loing (45).
Archives nationales, Répertoire des commissaires-priseurs de Paris et du département de la Seine (1801-1937).
Ministère de la Culture, Légion d’honneur, base Léonore.

• Yves Marie BOURVEN, fils de Jean Bourven, notaire, et de Anne Le Foll, naît le 20 décembre 1793 à Plougonven. De 1826 à 1863, il exerce la profession de notaire à Pleyber-Christ.

• Jean Pierre CAREL, fils de Mathurin et de Anne Magdeleine Gicquel, naît le 26 août 1795 (9 fructidor an 3) à Taupont (56). Cousin de Julien Prioux et maire de Taupont, il est nommé tuteur des mineures Prioux après le décès de leur mère.
Sur sa tombe à Taupont, il est indiqué 1793 comme année de naissance !

• Benjamin DAVIDSON, fils de Meyer et de Jessy Barent Cohen, né en Angleterre en 1823. Il ouvre une agence bancaire Rothschild à San Francisco en 1849.
• Guillaume Patrice DILLON naît à Armagh (actuellement en Irlande du Nord) le 6 mars 1810 et décède le 12 octobre 1857.
Il est nommé consul à New Castle en 1845, à Honolulu en 1848 puis à San Francisco en juillet 1850. Il est nommé Chevalier de la Légion d’honneur le 25 février 1845, puis Officier le 15 décembre 1851.

Consulat Général de France à San Francisco, Histoire de la présence consulaire française à San Francisco.
Ministère de la Culture, Légion d’honneur, base Léonore.

• Prosper MENÉ, employé au consulat de France à San Francisco, est aussi cité comme témoin du décès d’un français en 1851. Il est recensé comme clerc en 1854 et chancelier en 1856. Il est à nouveau cité comme témoin dans un acte de décès en 1865.

Archives départementales du Finistère, 4 E 254/107.
Internet Archive, LeCount & Strong, LeCount & Strong’s San Francisco city directory for the year 1854.
Internet Archive, Samuel Colville, Colville’s San Francisco directory for the year commencing... (volume 1856).
Cercle généalogique de Saône-et-Loire, Nos Ancêtres et Nous, n° 138, 2013.

• Henri PIERRET. D’autres documents datés de 1851 et 1865 le citent comme témoin des décès de deux français. En 1851, il est âgé de 25 ans, propriétaire et habite San Francisco.

Wikipédia donne une liste des ambassadeurs de France en Équateur. On y trouve un Henri Pierret. Il est possible qu’il s’agisse de la même personne.

• Edmond Julien Marie RIALAN, fils de Joseph Marie, avocat, et de Aimée Sophie Palluel-Blanc, naît le 7 juin 1815 à Vannes (56). De 1841 à 1866, il exerce la profession de notaire à Ploërmel.

→→ Entrepreneur sur la route impériale 164 →→

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Article mis en ligne le 10 juin 2021, dernière mise à jour le 19 février 2022.